Contexte
En 2022, dans le cadre d’un stage niveau Master, un diagnostic actualisé de l'ensemble des prés salés du site Natura 2000 « Côte de Granit Rose – Sept-Iles » a été réalisé. À l’issue du stage, des propositions d'actions par site (gestion de la fréquentation, sensibilisation, gestion d'espèces invasives, amélioration des connaissances...) ont été compilées dans un livret d’actions.
Le stage a également permis de mettre en évidence l’intérêt d’étudier les fonctions écologiques des prés salés. La faisabilité de déploiement du protocole « Fonctions écologiques des prés salés pour l’ichtyofaune (poissons) » développé par l’Observatoire du Patrimoine Naturel Littoral (OPNL) a été étudiée.
Un protocole national
Le déploiement de ce protocole sur plusieurs sites littoraux a permis de mettre en évidence le rôle fonctionnel des prés salés pour de nombreuses espèces, et notamment son rôle de nourricerie pour le bar.
En intégrant le réseau de prés salés suivis dans le cadre de l’OPNL, on peut comparer les résultats obtenus avec ceux d’autres prés salés des façades Manche et Atlantique.
Présentation du protocole : https://www.reserves-naturelles.org/sites/default/files/private/6-ateli…
Une étude réalisée à Kerlavos
Parmi les sites potentiels identifiés pour la mise en place du protocole, c'est le site Baie de Kerlavos (Trégastel) qui a été retenu.
C'est l'association Vivarmor Nature qui a accompagné LTC pour le déploiement de ce protocole sur le terrain, pour le traitement des échantillons (pesée et mesure des poissons prélevés, analyse des contenus de l'estomac de quelques invidivus) et l'analyse des résultats.
L'Agence de l'Eau Loire Bretagne a soutenu financièrement ce projet à hauteur de 70 %.
Résultats de l'étude
Cette première étude de la communauté de poissons fréquentant le pré salé de Kerlavos à marée haute pour s’alimenter a permis de montrer le rôle trophique fonctionnel du marais pour l’Ichtyofaune.
Différents critères doivent être remplis pour considérer un habitat comme une nourricerie : (1) les juvéniles doivent s’y regrouper, (2) s’y nourrir des proies produites in situ ; (3) ils doivent également croître de façon optimale et (4) être recrutés via une migration vers les sites fréquentés par les adultes. Ce quatrième critère ne pouvant être évalué au regard des méthodes déployées lors de cette étude, seuls les trois premiers ont été considérés.
La communauté était dominée par des juvéniles lors de chacune des pêches.
L'ensemble des individus analysés s’était nourri dans le pré salé (absence d’estomac vide) avec une dominance de proies issues du pré salé, en particulier Orchestia gammarellus qui semble être produite en abondance dans le marais. Une variation saisonnière du régime alimentaire a pu être observée avec la contribution de proies apportées par la masse d’eau (e.g. larves de balane, copépode) en début de saison pour les larves et juvéniles de Bar européen par exemple. Ce phénomène a déjà été observé en baie de Saint-Brieuc.
La croissance des poissons a pu être mise en évidence au cours de la saison, en particulier pour le Bar européen entre juillet et septembre, et de manière moins marquée pour l’Athérine prêtre et le Mulet sp. La reproduction tardive du Gobie tacheté (arrivée des juvéniles en septembre) n’a pas permis de suivre la cohorte.
En conclusion, le pré salé de Kerlavos est fonctionnel sur le plan trophique pour l’ichtyofaune. Au regard des résultats disponibles, la fonction de nourricerie du marais pour les juvéniles de poissons est très probable et susceptible de varier en fonction des espèces au cours de la saison.